Une transition qui se renforce en silence
L'air d'un changement discret
La semaine s'est ouverte comme un paysage d'automne où les couleurs se figent avant l'hiver : tout semble immobile, et pourtant, si l'on écoute bien, on perçoit un déplacement, presque un souffle. Rien de spectaculaire, aucune annonce tonitruante. Mais une série de mouvements modestes, qui, mis bout à bout, dessineraient presque une tendance : celle d'une transition qui cesse d'être une promesse pour devenir une habitude, un réflexe, une façon d'être.
Sous ses dehors paisibles, la semaine 47 a surtout été l'affaire des coulisses : des normes qui s'ajustent, des votes européens qui s'ancrent, des PME qui s'outillent, des experts-comptables qui apprivoisent de nouvelles missions. Une transition sans éclat, mais non sans portée.
Les PME au rendez-vous : la VSME entre dans la danse
La semaine a été marquée par une évolution nette — non spectaculaire, mais structurante — autour de la VSME, ce standard volontaire pensé par l'EFRAG pour les petites et moyennes entreprises.
Où en est-on ?
Les premières entreprises commencent à s'en saisir. Pas à coups d'effets d'annonce, mais dans la sobriété des ateliers, des webinaires, des outils mis en ligne. Cette norme volontaire, longtemps considérée comme un simple « sas de décompression » face aux exigences de la CSRD, s'affirme peu à peu comme un levier d'anticipation.
Les experts-comptables observent la montée d'un intérêt pragmatique : la VSME devient un terrain d'apprentissage, un langage commun possible pour les chaînes de valeur, une étape pour structurer les données, comprendre les impacts, savoir ce que l'on mesure et pourquoi.
Et dans certaines filières — agroalimentaire, textile, bâtiment —, on perçoit déjà le mouvement : les donneurs d'ordres commencent à recommander le standard à leurs fournisseurs, non pour auditer davantage, mais pour mieux se parler.
La VSME avance sans bruit. Et comme souvent dans la transition, les transformations profondes se font d'abord sans faire la une.
Le vote européen sur la déforestation : un sursaut d'exigence
Le fait marquant de la semaine — discret, mais puissant — vient du Parlement européen, qui a confirmé et sécurisé le cadre renforcé de lutte contre la déforestation importée.
Les débats ont été vifs, nourris par les inquiétudes de certaines filières agricoles et par les tensions diplomatiques avec plusieurs pays exportateurs. Mais l'essentiel a été préservé : l'Europe ne veut plus importer ce qui détruit les forêts du monde.
Ce vote n'est pas un simple signal politique. Il touche à des chaînes entières : cacao, soja, viande bovine, bois, caoutchouc…
Il oblige les entreprises à connaître l'origine réelle de leurs produits, à tracer, à vérifier, à assumer.
Et cela a un effet immédiat sur la RSE : la responsabilité cesse d'être une posture pour redevenir une obligation narrative.
Ce n'est plus « que faites-vous pour la planète ? ».
C'est : « Pouvez-vous prouver que vous n'y contribuez pas à votre insu ? »
L'Europe vient de rappeler que la transition est aussi affaire de courage réglementaire.
L'économie réelle, elle, avance en pas comptés
Sur le terrain, la semaine 47 a vu fleurir des initiatives plus modestes, mais révélatrices.
Une communauté de PME du Centre-Val de Loire a lancé un programme de mutualisation des données carbone : non par idéal, mais parce que les coûts explosent lorsqu'on mesure chacun dans son coin.
Dans le Sud-Ouest, un réseau d'entreprises familiales a adopté la VSME pour parler un même langage en interne.
Dans les Alpes, un groupement industriel a signé un protocole territorial climat qui engage trois communes et six entreprises sur des objectifs partagés.
Rien de spectaculaire. Rien qui fasse les gros titres.
Mais dans chaque région, quelque chose s'organise, s'amplifie, prend forme. Les territoires deviennent des foyers discrets de la transition.
L'épaisseur du réel : doutes, prudence, et pourtant… action
Les experts-comptables témoignent d'une semaine étrange : des dirigeants plus prudents, parfois tentés de différer certains investissements de transition. Le contexte économique n'invite guère à l'audace.
Et pourtant, un phénomène inattendu se dessine : moins d'annonces, mais plus de décisions.
Des entreprises qui ne communiquent pas, mais avancent.
Des dirigeants qui doutent, mais structurent.
Des PME qui ne fanfaronnent pas, mais posent des jalons.
La transition, paradoxalement, semble entrer dans une phase moins bavarde et plus profonde.
Une clarté discrète pour finir la semaine
Au terme de cette semaine 47, on retrouve ce sentiment singulier : rien de spectaculaire, et pourtant beaucoup de choses essentielles.
Entre le vote sur la déforestation, la consolidation silencieuse de la VSME, et l'apprentissage continu des entreprises, on voit poindre une transition plus organique, moins forcée, presque mature.
La lumière n'est pas éclatante. Elle est diffuse, comme celle qui traverse les journées de novembre.
C'est une lumière de patience — cette vertu sans laquelle aucune transition sérieuse ne tient.
Patience pour comprendre.
Patience pour structurer.
Patience pour transformer.
Et au fil de cette patience, la conviction s'ancre : la durabilité ne se construit ni par emballement, ni par bravade, mais par cette fidélité tranquille à une direction qui, elle, ne change pas.
Marc-Olivier Caffier www.mo3c.fr