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Finance durable : Bruxelles conforte le nucléaire et le gaz dans la taxonomie

12/09/2025 — MO3C

1. Un recul inquiétant de l'ambition climatique

L'inclusion du gaz fossile — ainsi que du nucléaire — dans la taxonomie verte, validée par la Cour de Justice de l'UE le 10 septembre 2025, représente un tournant controversial. Alors que la taxonomie était initialement conçue pour diriger les investissements vers des activités véritablement durables, ce choix élargit, en quelque sorte, la catégorie « vert » à des sources énergétiques qui continuent d'émettre du CO₂ (gaz) ou présentent des risques environnementaux (déchets nucléaires, accidents potentiels). Cela affaiblit la crédibilité de l'UE sur la scène climatique internationale (Greenpeace critique un affaiblissement des efforts de lutte contre la crise climatique).

2. Une nécessité énergétique ou un compromis politisé?

Plusieurs États membres — dont la France — ont défendu l'inclusion du nucléaire comme pilier pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Le gaz, lui, est présenté comme une « énergie de transition », permettant de substituer rapidement le charbon. Toutefois, un groupe d'experts de la finance durable et plusieurs ONG soulignent que cette logique de transition comporte un risque de verrouillage des infrastructures fossiles et compromet l'investissement dans les renouvelables.

3. Accord UE–USA : un signal de dépendance accentuée au fossile?

Plus étonnante encore est la coïncidence temporelle avec un accord UE–États-Unis, signé en juillet 2025, engageant l'Union à acheter pour 750 milliards de dollars d'énergie américaine sur trois ans, dont pétrole, GNL (gaz naturel liquéfié) et combustibles nucléaires.

Cette décision soulève plusieurs interrogations :

  • Sécurité énergétique ou dépendance renouvelée? L'accord vise à substituer les importations russes d'énergie, mais introduit une forte dépendance aux États-Unis, accentuant le pouvoir d'un acteur étranger sur les approvisionnements européens.
  • Cohérence politique? D'un côté, l'UE affirme vouloir renforcer la finance durable. De l'autre, elle s'engage massivement à importer du gaz fossile. Cet apparent double discours pourrait nuire à sa légitimité climatique.
  • Potentiel effet d'entraînement? Rendre le gaz fossile éligible au label vert pourrait justifier ces importations comme « durables » — ce qui pose problème si l'on considère l'impact climatique réel du GNL américain, surtout si la taxonomie ne contrôle pas rigoureusement les émissions durant l'ensemble de la chaîne (extraction, liquéfaction, transport, reconversion).

4. Quelle posture pour l'Europe face aux urgences climatiques?

La somme des décisions — inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie, pacte énergétique UE–USA massif — témoigne d'un compromis pragmatique davantage guidé par des enjeux géopolitiques et économiques que par les impératifs scientifiques du climat. À l'heure où l'urgence est réelle, on s'interroge sur la capacité de l'UE à rester un leader climatique crédible si les mécanismes de financement durable deviennent trop laxistes ou trop politisés. Il reste encore peu clair si cette flexibilité permettra de sortir plus rapidement des énergies fossiles ou si elle au contraire ralentira la transition, en donnant une aura "verte" à ce qui n'en n'est pas.

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