Une semaine aux promesses suspendues
La semaine écoulée aura une fois encore illustré les paradoxes de la transition : un discours volontariste, des signaux positifs sur le terrain, mais une fatigue palpable face à la complexité des normes et à la lenteur politique. Entre la Semaine de l'Entreprise Responsable et Inclusive, les tensions autour des réglementations européennes et les débats sur la durabilité des filières, le paysage de cette première moitié d'octobre aura dessiné les contours d'un mouvement en quête d'équilibre.
L'entreprise responsable cherche son souffle
Du 6 au 10 octobre, la Semaine de l'Entreprise Responsable et Inclusive (SERI 2025) a rassemblé acteurs économiques, ONG et institutions autour d'un thème central : pour une transition juste, renforçons nos engagements. Derriere les panels et les discours, un constat clair : la responsabilité sociétale est devenue une matière à la fois politique et humaine.
Les grandes entreprises y ont affiché leurs progrès en matière de mixité, d'achats responsables ou d'innovation sociale, tandis que les PME ont exprimé leurs inquiétudes face à la densité du reporting. Beaucoup redoutent que la CSRD, ce nouvel alphabet de la transparence, ne devienne une épreuve à la place d'un levier. Pourtant, la plupart reconnaissent que cette contrainte pourrait devenir une chance – à condition qu'elle s'accompagne d'une véritable pédagogie et d'outils adaptés à leur taille.
L'Europe réécrit sa feuille de route
Sur le front européen, la durabilité reste un chantier mouvant. L'application du règlement sur la déforestation importée (EUDR) semble glisser vers un nouveau délai, faute d'outils de traçabilité suffisamment opérationnels. Les lobbys agroalimentaires s'en félicitent discrètement, les ONG dénoncent une capitulation. Bruxelles, elle, tente de concilier ambition environnementale et compétitivité économique.
Même ton ambivalent du côté du reporting extra-financier : après un an de déploiement progressif, la Commission envisage déjà d'alléger certaines exigences au nom de la simplicité administrative. Un pas en arrière pour certains, un souffle d'air pour d'autres. Ce mouvement perpétuel illustre un mal européen : la difficulté à stabiliser la règle dans un monde où l'urgence climatique, elle, ne débat pas.
Le terrain avance, souvent en silence
Pendant que les textes se discutent, les territoires inventent. En région parisienne, des projets de géothermie et de biométhanisation voient le jour. En Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs communes ont mutualisé leurs moyens pour déployer des flottes électriques partagées. Et dans le Nord, une coopérative textile expérimente la réinsertion professionnelle par la fibre recyclée.
Ces initiatives n'occupent pas les unes des journaux, mais elles tissent la trame réelle de la transition. Elles rappellent que la durabilité ne se mesure pas seulement en tonnes de CO₂ évitées, mais aussi en capacité à recréer du lien, du sens, de la solidarité.
Les tensions d'une transition juste
Cette semaine, la notion de transition juste a pris un relief particulier. Elle est apparue à la fois comme un mot d'ordre moral et un axe de gestion. Car pour les dirigeants de PME, la question n'est plus seulement « comment être vertueux ? » mais « comment ne pas laisser de côté ceux qui n'ont pas les moyens d'être vertueux ? ».
Là réside sans doute le plus grand défi des années à venir : transformer la contrainte en opportunité partagée. L'idée d'une durabilité inclusive, capable d'embarquer les acteurs fragiles, s'impose lentement comme le seul horizon viable.
L'ombre et la lumière
En toile de fond, un constat persiste : la transition écologique reste une course de fond disputée sur terrain instable. Chaque pas en avant s'accompagne d'une résistance, chaque progrès d'un renoncement. Mais derrière la lassitude, un apprentissage collectif se dessine : celui d'une Europe qui, malgré ses contradictions, continue d'expérimenter, d'ajuster, de chercher son cap.
La durabilité n'est pas un état, c'est un mouvement. Et cette semaine encore, le mouvement a parlé.