Chronique de la semaine – RSE et durabilité (22 au 28 septembre 2025)
La semaine qui vient de s'écouler aura eu des allures de clair-obscur : quelques avancées locales, de grandes annonces européennes… mais surtout le sentiment d'un pas en avant suivi de deux pas de côté. Entre la colère des agriculteurs, un règlement sur la déforestation repoussé aux calendes grecques, et un rapport alarmant sur l'état de nos écosystèmes, l'actualité a dessiné un tableau sans concession. La transition écologique reste une promesse, parfois éclatante, souvent fragile, toujours discutée.
L'Europe recule sur la déforestation
Le 23 septembre, Bruxelles a confirmé ce que beaucoup redoutaient : l'entrée en vigueur du règlement interdisant l'importation de produits issus de terres déboisées est une nouvelle fois reportée, désormais à fin 2026. Soja, cacao, huile de palme, bois… tout reste en suspens.
Ce report ressemble à une respiration politique, mais il sonne surtout comme une défaite symbolique. Car derrière les arguments techniques — traçabilité difficile, crainte de désavantages compétitifs — se cache une réalité plus simple : la pression des lobbys l'emporte, et l'ambition écologique s'étiole. Pour les entreprises déjà engagées dans des filières responsables, c'est l'incertitude qui domine. Pour les ONG, c'est un désaveu. Pour l'image de l'Europe, c'est une fissure dans le Pacte vert.
Le cri du monde agricole
Presque au même moment, les campagnes françaises se sont mises en mouvement. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont relancé des actions coup de poing pour dénoncer une concurrence jugée intenable : des importations venues de l'autre bout du monde, produites sans les mêmes contraintes sociales et environnementales.
Leur message est limpide : la transition ne peut pas être un fardeau porté par quelques-uns pendant que d'autres contournent les règles. Derrière la colère, c'est un appel à la justice économique. Et peut-être aussi une invitation à repenser le commerce international à l'aune de la durabilité, plutôt qu'à celui du seul coût.
L'état des lieux : la nature en alerte rouge
Comme un contrepoint à ces débats, l'Agence européenne pour l'environnement a publié un rapport glaçant : plus de 80 % des habitats protégés en Europe sont en mauvais état. Les sols s'épuisent, l'eau se raréfie, la biodiversité s'effondre.
Il n'est plus question d'anticiper : le basculement est déjà là. Le risque n'est plus abstrait, il se mesure en forêts malades, en nappes phréatiques taries, en espèces disparues. Autrement dit : en perte de résilience. À l'heure où les décisions politiques s'assouplissent, la nature, elle, ne négocie pas.
Transparence et simplification : le dilemme de la RSE
Sur le front de la responsabilité sociétale, les signaux sont ambivalents. D'un côté, les entreprises européennes franchissent pour la première fois l'étape des nouveaux états de durabilité alignés sur la directive CSRD. Exigeant, parfois fastidieux, cet exercice est pourtant une avancée : il permet de rendre visibles des trajectoires, des écarts, des progrès.
De l'autre, Bruxelles envisage déjà de « simplifier » ces obligations au nom de la compétitivité et de la charge administrative. Une simplification bienvenue pour certains, mais qui menace la crédibilité d'un dispositif à peine né. Entre rigueur et pragmatisme, la ligne de crête est étroite.
Territoires en mouvement
Pendant ce temps, en Île-de-France, les initiatives locales continuent d'éclore : une station d'hydrogène vert à Créteil, un biométhaniseur à Gennevilliers, de nouveaux projets de géothermie et de solaire en périphérie du Grand Paris. Autant de signaux faibles qui, mis bout à bout, dessinent les contours d'un futur énergétique décentralisé.
Mais la transition urbaine se heurte aussi au quotidien : transports perturbés, grèves et modernisations lourdes rappellent que changer d'échelle n'est jamais un long fleuve tranquille.
Perspectives
Cette semaine 39 aura offert un étrange miroir : d'un côté, l'urgence écologique n'a jamais été si palpable ; de l'autre, la tentation du recul n'a jamais été si forte.
Les prochains mois diront si l'Europe choisit d'assumer pleinement son rôle moteur ou si elle préfère ménager ses équilibres économiques au détriment de sa crédibilité écologique.
Pour les entreprises, l'enjeu sera double : s'adapter à une réglementation encore mouvante et, surtout, maintenir le cap malgré les incertitudes. Car dans ce contexte de ralentissements politiques et de contestations sociales, ce sont souvent les initiatives locales, territoriales et sectorielles qui tracent les voies les plus concrètes.
La transition ne s'arrêtera pas, mais sa vitesse dépendra de notre capacité collective à conjuguer ambition et justice. C'est ce fil qu'il faudra suivre, semaine après semaine.
Marc-Olivier Caffier
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